1 mai 2012 2 01 /05 /mai /2012 22:57

Pas de répit pour les travailleurs de Fukushima. Il faut d’une part surveiller et refroidir constamment l’ex-centrale pour éviter de nouvelles explosions ou incendies et d’autre part lancer en urgence de grands travaux qui permettront de ralentir la progression de la contamination radioactive dans l’environnement. Désormais, l’avenir du Japon et du Pacifique, et sans doute de l’hémisphère nord en général, dépend non seulement de la réalisation de ces travaux gigantesques, mais aussi de leur efficacité pérenne.

 

 

Travaux pour éviter une contamination de l’air

 

Les ex-réacteurs, dont il est attesté que deux d’entre eux ont perdu l’intégrité de leur confinement primaire (unité 2 au niveau de la piscine torique et unité 3 au niveau du couvercle de l’enceinte), doivent être couverts par des structures étanches qui empêchent les poussières et les gaz radioactifs de continuer à polluer l’atmosphère. Pour bien faire, il faudrait aussi installer un système de dépressurisation qui empêcherait toute fuite gazeuse vers l’extérieur, couplé à un filtrage conséquent de l’air pour piéger les gaz et aérosols nocifs.

projet1Evidemment, une simple bâche posée sur un ex-réacteur ne peut pas supprimer toute pollution atmosphérique. Aujourd’hui, pour l’unité 1 uniquement, cette couverture sert plutôt à stopper l’arrivée d’eau extérieure dans le bâtiment, mais aussi et surtout à cacher le réacteur de Fukushima Daiichi qui est la honte de l’industrie atomique. La diffusion de la vidéo de son explosion le 12 mars 2011 a été historique : c’est la première fois qu’on voyait une centrale nucléaire exploser à la télévision. 25 ans de travail acharné de désinformation et de formatage des cerveaux anéantis en quelques secondes ! En terme d’image, la diffusion de l’explosion de l’unité 3 a été pire encore car, beaucoup plus puissante, elle a terni et cassé à jamais l’image du nucléaire sans danger. C’est pourquoi la vidéo de l’explosion de l’unité 4 a été interdite de diffusion, verrouillée, censurée.

La couverture du bâtiment réacteur n°1 a été terminée à l’automne 2011. Il reste à couvrir les unités 2, 3 et 4. Mais avant cela, d’autres grands travaux restent à réaliser de toute urgence.

 

 

Travaux pour éviter une contamination de la nappe phréatique

 

Par le choix du refroidissement à l’eau de réacteurs percés, les sous-sols de l’ancienne centrale sont devenus un tonneau des Danaïdes : les hommes sont désormais condamnés à pomper et traiter de l’eau radioactive durant des décennies. Et pour juguler une infiltration trop massive de l’eau extérieure, Tepco a prévu de forer 14 puits de pompage en amont de la centrale, afin de faire baisser le niveau de la nappe phréatique.

 

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Coupe des travaux de drainage (Source image Gen4 et Tepco)

 

L’ancienne centrale électrique dévolue à Tokyo est désormais appelée à devenir une usine de retraitement des eaux usées éternelles de l’industrie nucléaire. Cette usine qui emploiera des milliers de travailleurs durant une durée indéterminée (au minimum 40 ans) devra :

1) pomper l’eau de la nappe phréatique en amont pour éviter un mélange avec la nappe déjà polluée, vérifier sa non contamination et la rejeter en mer, ou le cas échéant la diriger vers le circuit de retraitement,

2) pomper l’eau des sous-sols de la centrale, la traiter et la filtrer avant de la réinjecter dans les circuits de refroidissement des ex-réacteurs et des 7 piscines de désactivation,

3) pomper, traiter et filtrer les eaux de drainage de l’ensemble du site afin qu’aucune goutte d’eau radioactive n’atteigne l’océan,

4) conditionner et stocker de manière pérenne les résidus de filtrage radioactifs

 

Avec le brassage de ces millions de tonnes d’eau contaminée, le terme de « liquidateur », donné à l’origine aux gens qui se sont sacrifiés pour contenir la catastrophe de Tchernobyl, prend ici un tout autre sens !

 

Pour l’instant, l’usine est provisoire, construite dans l’urgence de la catastrophe. Il faudra pour le long terme concevoir une usine en dur, protégée du gel et des intempéries, et de capacité suffisante pour traiter l’eau de tous les systèmes. Il faudra également lui adjoindre des systèmes de secours indépendants qui permettront, quoi qu’il arrive, de faire face à tout évènement imprévu pouvant remettre en cause le refroidissement des 2400 tonnes de combustible qui sont sur le site.

 

 

Travaux pour éviter une contamination de l’océan Pacifique

 

En septembre 2011, Tepco avait annoncé la construction d’un barrage, comme décrit dans cet article. Il est censé retenir l’eau de la nappe phréatique contaminée afin qu’elle n’atteigne pas l’océan. C’est un pari risqué car ce barrage est ouvert et des fuites pourront être possibles au sud et au nord de la structure. D’autres voix avaient proposé une enceinte complète, entourant totalement le site nucléaire, afin d’être sûr de capter toutes les eaux souterraines. C’est sans doute ce à quoi seront conduits les ingénieurs s’ils constatent que la pollution perdure dans l’océan. A l’image du premier sarcophage de Tchernobyl, il faut voir la construction de ce barrage comme une première étape dans la prise en charge de cette pollution qui concerne le monde entier puisque les eaux du Pacifique sont internationales.

Tepco a réalisé de nouvelles images de synthèse pour visualiser ce barrage.

 

cross section view

 

panoramic view

(Source Tepco)

 

 

Travaux pour éviter un nouvel incendie de la piscine 4

 

Le 15 mars 2011, après plusieurs explosions, l’unité 4 a subi un incendie : les explosions successives ont probablement fait perdre beaucoup d’eau au réservoir de désactivation. De plus, sans refroidissement, l’eau s’est évaporée petit à petit jusqu’à laisser à l’air le haut des barres de combustible. C’est là que l’incendie a pu se déclarer : en l’absence de refroidissement, les barres s’échauffent rapidement et se consument, répandant leurs produits de fission directement dans l'atmosphère. L’incendie s’est arrêté vers midi. Mais un autre incendie a été signalé le lendemain durant quelques heures.

Pour que cela ne puisse plus se produire, par exemple à cause d’un nouveau séisme, Tepco a décidé de mettre à l’abri le combustible de la piscine 4 vers un conditionnement sécurisé au sol. Pour ce faire, il est nécessaire de construire une superstructure qui supportera une grue capable de transférer en toute sécurité les 1535 assemblages.

En voici le projet fourni par Tepco :

 

1

 

2

 

(Pour en savoir plus sur ce projet, voir l’article de Trifouillax.)

 

 

Autres travaux à prévoir et coûts pharamineux

 

Comme pour le barrage, il s’agit de travaux qu’il faut réaliser en priorité. Toutefois il est évident que le combustible des unités 1 et 3 devra être également transféré, car rien ne dit que leurs piscines tiendront des décennies. Mais entretemps, il faudra résoudre le problème de la place disponible dans la piscine commune de Fukushima Daiichi car celle-ci contient déjà plus de 1000 tonnes de combustible. Faudra-t-il en construire une supplémentaire ?

 

Il faut donc relativiser toutes ces stratégies qui pourraient presque nous faire croire que l’industrie nucléaire maîtrise parfaitement une catastrophe. Aujourd’hui le Japon est largement contaminé, le mal est déjà fait, et il y aura toujours des fuites, la centrale restera toujours une menace.

 

Enfin, combien cela va-t-il coûter ?

Est-ce que le prix des conséquences des catastrophes nucléaires sera maintenant compris dans le coût du kW ?

Et qui va payer au final ?

 

On a déjà des éléments de réponse avec la catastrophe de Tchernobyl (1986) : la construction du deuxième sarcophage vient de démarrer. Coût total prévu pour un seul réacteur : 1,54 milliard d'euros.

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commentaires

S
Pourquoi ne pas le faire<br /> calculer par le CRIIRAD ?,<br /> c'est leurs boulot...<br /> ...<br /> (rapport a (Commentaire n°2 posté par stéphane hier à 15h35)<br /> ...
Répondre
P
@stéphane<br /> Je ne suis absolument pas convaincu de l'efficacité de ce système de récupérateur de corium. Ni l'ASN d'ailleurs, qui note : "un approfondissement de certaines études doit encore être mené pour en<br /> confirmer l’efficacité." Si le système de refroidissement à eau entre en action avant que toute la masse du corium n'atteigne la chambre d'étalement, il est évident qu'une explosion de vapeur<br /> pourrait se produire.<br /> <br /> De plus, construire un récupérateur de corium signifie que l'on prévoit déjà l'accident majeur, le meltdown. L'EPR est prévu pour utiliser en tout ou partie du MOX. Mettre en danger la population<br /> en poursuivant la production d'électricité avec de tels produits extrêmement dangereux est une aberration. C'est la population qui doit accepter ou non de prendre ces risques, pas les technocrates.<br /> Ca s'appelle la démocratie. La décision du gouvernement de continuer la production électrique nucléaire est un acte autoritaire, anti-démocratique, qui met en danger la population. Récupérateur de<br /> corium ou pas.<br /> <br /> Quant à utiliser les logiciels pour imaginer ce que sont devenus les coriums de Fukushima, oui, pourquoi pas, les chercheurs de l'IRSN l'ont sans doute déjà fait. Si vous avez un lien public qui<br /> donne les résultats, donnez-le, tous les lecteurs ici seront intéressés. A ma connaissance, rien n'a encore été publié à ce sujet, soit parce que la conclusion est trop mauvaise pour l'image du<br /> nucléaire, soit parce que les chercheurs n'ont pas assez d'éléments pour modéliser la chose. Je rappelle qu'il n'y avait rien de prévu pour récupérer les coriums à Fukushima, ni dans aucune autre<br /> centrale.<br /> <br /> Voici le lien complet de l'ASN pour ceux que ça intéresse : http://www.asn.fr/index.php/S-informer/Publications/La-revue-Controle/Dossiers-de-Controle-2005/Controle-n-164-le-reacteur-EPR
Répondre
S
Salut Pierre, des logiciels performants<br /> existent en France pour l'étalement<br /> du Corium pour les nouveaux EPR...<br /> ...<br /> Système de pièce dédiée pour l'étalement du corium<br /> sous le réacteur...<br /> ...<br /> Possibilité donc d'estimer l'étendue des dégats<br /> a Fukushima, avec les plans de la centrale...<br /> ...<br /> Links:<br /> <br /> Page 36<br /> www.asn.fr/index.php/content/download/15367/.../dossier164.pdf<br /> <br /> <br /> (extrait)...<br /> Les conditions de sortie du corium de la<br /> cuve ont été évaluées à l’aide du logiciel MAAP-4.<br /> Pour ce qui est de la cinétique d’ablation du béton<br /> sacrificiel, les grands programmes tant en “simulants“<br /> (ARTEMIS – IRSN-EDF-CEA et BETA – FzK)<br /> qu’en matériaux réels (ACE, MACE- ANL ; VULCANO<br /> – CEA-EDF-IRSN ; CORESA – Framatome<br /> ANP) ont été utilisés comme base expérimentale.<br /> ...<br /> a+
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R
La priorité doit être donnée à la piscine 4, dont l'état reste préoccupant. L'appel de l'ambassadeur au secrétaire général de l' ONU sera-t-il entendu ? Une gestion internationale, sous l'égide de<br /> l'ONU, du suivi des suites de la tragédie nucléaire s'impose.<br /> Des programmes de recherches seront-ils développés sur la contamination des eaux océaniques ? L'exploitant ne pourra pas faire l'impasse sur la construction d'une enceinte complète, d'une usine de<br /> retraitement.<br /> Le problème reste celui de la discordance des temps. Bénéficierons-nous du temps long, indispensable pour maîtriser les suites de la catastrophe.
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