13 juillet 2014 7 13 /07 /juillet /2014 16:47
Témoignage d’un “cerveau irradié”

Suite au billet de Fonzy, diffusé le 5 juin dernier, voici un autre témoignage d’une personne vivant au Japon. Permaria ne souhaite pas se taire et explique la contamination radioactive telle qu’elle est et telle qu’elle la vit au quotidien. Loin des discours officiels, ces témoignages sont une forme de résistance à l'omerta généralisée sur les problèmes générés par la catastrophe nucléaire toujours en cours.

 

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Témoignage d’un “cerveau irradié”

 

 

    Depuis le 11 mars 2011, le monde où je vis a presque complètement changé, tout d’abord dans la vie quotidienne. La contamination radioactive n’est pas proportionnelle à la distance mais elle est influencée par des éléments variés : vent, précipitations de pluie ou de neige, relief terrestre… Par exemple, une des plantes sauvages printanières, koshi-abura, s’est révélée polluée, le 21 mai 2014, à Nagano (340 Bq/kg) et à Karuïzawa (300 Bq/kg, 160 Bq/kg), selon les résultats de mesure de radioactivité des aliments, rapportés par le ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales, bien que ces municipalités soient à 266 km et à 247 km de la centrale détruite. Je ne peux donc plus goûter les pousses de bambou, ni toutes les pousses sauvages comestibles du printemps, ni des champignons sauvages, ni les poissons d’eau douce en automne, si ces produits agricoles, avant-coureurs des quatre saisons, sont en provenance de l’est de l’archipel. Même s’ils ne viennent pas directement des départements voisins de Fukushima, ils peuvent plus ou moins être contaminés.

 

         Dans ma ville, qui est à 245 km de Fukushima Daiïchi, la radioactivité n’est pas très élevée : 0,04 à 0,08 μSV/h. Mais il y a du vent, des arbres avec leurs feuilles et le sol. Il ne faut pas respirer de particules radioactives qui pourraient flotter dans l’air. Je porte un masque pour sortir depuis lors. Et on qualifie ceux qui font minutieusement attention à leur santé comme moi de “cerveau irradié” (hôsha-nô), sorte de psychose, de fou, tout court.

 

      L’origine de nos inconvénients et du malheur, c’est la politique nucléaire de ce pays et les compagnies d’électricité qui en profitent énormément. Pour contester son manque de conscience et son absence de responsabilité, j’ai arrêté le prélèvement automatique Tepco et règle directement au comptoir de supérette, et volontairement en retard. Tantôt, je paie 11 yens de trop pour attirer l’attention de sa part. L’employé qui s’en occupe lira ces phrases protestataires dans la marge d’une facture : « Rémunérez  comme il faut les liquidateurs irradiés ! », « Ne redémarrez pas la centrale à Kashiwazaki-Kariwa ! », « Honte à votre système de sacrifice ! ». Je ne suis pas assez riche pour offrir tous les mois 311 yens à cette entreprise inconcevablement décevante mais je ne suis pas seule non plus à payer de cette façon : nous sommes 200 à 300 partout dans l’archipel et nous avons une liste de diffusion en commun pour communiquer. C’est encourageant.                  

 

 

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Photo d'entête : pousse de koshiabura                        

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5 juin 2014 4 05 /06 /juin /2014 18:01

Comme pour des millions de Japonais et de Japonaises, le 11 mars 2011 a fait basculer Fonzy dans un nouveau monde, celui de l’angoisse de la radioactivité dans les aliments. Son témoignage rappelle que la catastrophe de Fukushima ne s’est pas arrêtée à l’ « arrêt à froid » des réacteurs décrété en décembre 2011, mais que 3 ans plus tard, la contamination est rampante. Le nuage radioactif est passé sur Tokyo et plus rien ne sera comme avant.

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« Ma vie a complètement changé depuis le 11 mars 2011 »

 

J’habite dans une banlieue de Tokyo, à 280 km de la centrale de Fukushima Daiichi. Ma vie a complètement changé depuis le 11 mars 2011 bien que le séisme n’ait guère touché la ville où j’habite.

 

J’ai mesuré le taux de la radioactivité avec mon compteur Geiger (qui m’a coûté 35 euros et qui ne mesure que les rayons gamma) presque tous les jours pendant la première année. Maintenant je ne mesure presque plus, parce que premièrement le taux n’est jamais extrêmement haut ; il oscillait entre 0,05 et 0,09 micro Sv /h. Deuxièmement j’ai trouvé une personne qui habite dans mon quartier et qui mesure le taux avec un compteur Geiger plus performant (qui mesure aussi les rayons bêta). Il publie ses résultats tous les jours sur Twitter, et selon lui c’est normalement entre 0,08 et 0,12 micro Sv /h. Troisièmement, de toute façon, je continue à vivre ici malgré le résultat des mesures de la radioactivité.

Mon compteur Geiger

Mon compteur Geiger

Je ne mange que des plats cuisinés chez moi, avec des produits en provenance soit de l’ouest du Japon, soit de l’étranger. Il y a très peu d’aliments dont les taux de césium soient mesurés bien que l’Etat ait promis de le faire. Avant, c’était mon plaisir de sortir manger dans un restaurant, mais maintenant c’est fini. Je n’achète plus de pain ni de sandwich un peu partout comme avant ; je ne fais plus confiance aux ingrédients. Ça fait trois ans que je ne mange plus de sushi, ni de shiitake, ni de fruits de bois. Je ne bois même pas le fameux thé vert japonais, parce que les feuilles risquent d’être fortement contaminées. Il m’arrive de devoir manger dans un restaurant avec des collègues qui se fichent de la radioactivité. C’est un cauchemar ! Je fais semblant de manger tout en écartant les aliments susceptibles d’être contaminés. Si seulement les autorités mesuraient les niveaux de contamination dans tous les produits ...

 

Le riz ‘White rice’ que j’achète chez White Food (http://www.whitefood.co.jp/) qui contrôle ses produits avec un détecteur à semi-conducteur CANBERRA GC2520 (jusqu'à 0,5 Bq/kg)

Le riz ‘White rice’ que j’achète chez White Food (http://www.whitefood.co.jp/) qui contrôle ses produits avec un détecteur à semi-conducteur CANBERRA GC2520 (jusqu'à 0,5 Bq/kg)

Normalement je ne dis pas ouvertement aux autres que je fais très attention à la radioactivité. Hélas, il y a très peu de gens qui soient vigilants. En plus, ce genre de remarques risque souvent de gâcher l’ambiance. Pourtant je n’ai pas envie de me taire. En tant que hibakusha (irradiée ou contaminée) de Fukushima, c’est mon devoir de témoigner de ce que j’ai vécu et de ce que je vis actuellement, et je continuerai de parler.

 

(à suivre)

 

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Une analyse critique des données concernant les rejets des eaux radioactives de la centrale de Fukushima Daiichi initiés en août 2023, dossier réalisé par la CRIIRAD qui tente de répondre à ces questions : Quels sont les principaux défis auquel est confronté l’exploitant de la centrale ? Quels sont les éléments radioactifs rejetés dans le Pacifique ? Les produits issus de la pêche sont-ils contaminés ? Est-il légitime de banaliser le rejet d’éléments radioactifs, notamment du tritium, dans le milieu aquatique ? Qu’en est-t-il en France ?

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